Analyse historique de deux lieux emblématiques de Mitte et observations sur leurs utilisations de nos jours
Par Léa Brousseau-Bellavance et Andréane Petit-Dugas
– Le cas de la Haus der Statistik –
Haus der Statistik, Berlin, 9 juillet 2019.
Utilisation de la Haus der Statistik à travers les années
La Haus der Statistik a été créé à la fin des années 1960 dans le centre-ville de Berlin1. Il est pertinent de comprendre que la Haus der Statistik n’avait pas le même style que les autres constructions créées à l’époque dans ce quartier berlinois. Elle était considérée comme étant beaucoup moins extravagante que certaines autres constructions qu’on pouvait observer. La Haus der Statistik avait à l’époque plusieurs utilités dans son enceinte soient “a café, a fishing-and-hunting supply store, and a shop carrying products from the USSR, but most of the complex was utilitarian office space used for organizing the country’s statistical information and producing an annual yearbook of figures on population, labor, and economic activity.”2 L’architecture était considérée à ce moment comme étant moderne et imposante.
Un mouvement administratif et gouvernemental a poussé à la fin des années 1990 la privatisation des terrains et des bâtiments à Berlin. Le gouvernement a alors vendu des milliers de lieux à des compagnies privées provenant de partout à travers le monde. Le prix, comme on le sait aujourd’hui, a alors commencé à monter et cet effet n’a pas cessé depuis. Ce faisant, maintenant, les maisons et appartements tout comme les lieux commerciaux sont vendus à des prix très élevés, faisant en sorte que beaucoup de gens, personnes âgées et des réfugiés, entre autres, ne peuvent avoir accès à une habitation.3
Certaines rénovations ont été effectuées sur la Haus der Statistik dans les années 2000, mais seulement a quelques étages du bâtiment. C’est après la chute du mur que ces rénovations ont eu lieu, afin que les gens puissent avoir accès à leurs dossiers de la Stasi. 4 À la suite de la réunification de l’Allemagne, le bâtiment continua d’être utilisé à des fins gouvernementales jusqu’en 2008.
Aujourd’hui, ce sont 45 000m2 qui sont inoccupés au centre de Berlin. Certains questionnements ont alors commencé à avoir lieu par rapport au futur de ce bâtiment emblématique de l’époque de la RDA.
La Haus der Statistik est maintenant délaissée depuis 10 ans. Aujourd’hui, ce sont 45 000 m2 qui sont inoccupés au centre de Berlin. Certains questionnements ont alors commencé à avoir lieu par rapport au futur de ce bâtiment emblématique de l’époque de la RDA.5 Ainsi, l’initiative de la Haus der Statistik s’est créée dans ce contexte où ce bâtiment n’avait plus d’utilité pour les forces étatiques en place et était donc à risque d’être démolie prochainement. C’est donc un accord entre plusieurs organismes et instances qui s’est mis en place pour trouver une solution à cette inutilisation de ce grand espace en plein centre deBerlin qui était alors devenu tapissé de graffitis et complètement délaissé. Le but était alors de faire en sorte d’utiliser ce bâtiment à des fins principalement sociales et artistiques.6
L’Initiative de la Haus der Statistik
En marchant proche d’Alexanderplatz, on pouvait apercevoir ce grand édifice abandonné qui jurait complètement avec le reste du décor moderne et bien entretenu. La réappropriation de ce bâtiment et l’utilisation de ce dernier ont donc pour but de recréer un espace commun au centre-ville de Berlin.7 Le but de l’Initiative de la Haus der Statistik était au départ de créer un lieu accessible financièrement pour tous, mais, aussi, dédié principalement aux populations vulnérables de Berlin. Des organisations se regroupèrent face aux dirigeants et c’est ZusammenKUNFT qui émergea de ce but commun. Ils se sont alors joints à Alliance of Threatened Berlin Studio Houses. C’est en se rassemblant ainsi que l’Initiative de la Haus der Statistik fut créée. 8
Malgré le regroupement de plusieurs organismes, il manquait tout de même une certaine puissance administrative et gouvernementale au projet. Quelques mois après le début des démarches, le maire du quartier décida de s’associer au projet afin d’en faire une « gentrification-proof island »9. D’autres instances gouvernementales se sont ralliées au projet au fil du temps. En 2017, Berlin devint le responsable officiel du projet10.
La mission principale de l’Initiative de la Haus der Statistik est d’offrir des lieux accessibles, entre autres sur le plan social et artistique. Cette volonté est arrivée à l’époque où Berlin et l’Allemagne entière se voient submerger par l’arrivée massive de réfugiés et tentent d’y trouver son identité.11 L’Initiative de la Haus der Statistik va à l’encontre des normes prescrites quant à l’organisation de projets architecturaux. Ce sont habituellement les gouvernements qui s’occupent des plans et de l’organisation de tel projet. Toutefois, l’Initiative de la Haus der Statistik procède différemment puisque ce sont les instances et organisations avec l’aide des citoyens qui gèrent le projet de A à Z. L’implication des citoyens est considérée comme très importante dans ce projet. Ainsi, des rencontres de designs architecturaux et d’informations sont faites régulièrement afin que tous puissent discuter ensemble de leurs idées pour le futur de la Haus der Statistik.12 Une organisation d’architecture fût sélectionnée pour créer les nouveaux plans de l’Initiative de la Haus der Statistik, Teleinternetcafe and Treibhaus.
Les travaux sont prévus pour 2022, mais les organisateurs ne savent pas ce que le futur leur réserve.
Beaucoup de rénovations sont envisagées, ainsi que certaines démolitions afin de permettre la création d’un nouvel édifice qui sera utilisé en tant que mairie pour le quartier de Mitte, quartier du centre-ville de Berlin. Des zones résidentielles, artistiques et collectives seront également déterminées. 13 Les organisateurs tentent de faire avancer le projet le plus rapidement possible puisqu’ils ne savent pas si les prochains gouvernements seront aussi compréhensifs, à l’écoute et participatifs au projet. Les travaux sont prévus pour 2022, mais les organisateurs ne savent pas ce que le futur leur réserve.
C’est un projet très important et différent comme nous l’avons mentionné mettrait de l’avant cette nouvelle technique de gestion de projets qui implique plusieurs acteurs et qui s’assure de prioriser la participation citoyenne. Une experte de l’architecture allemande et berlinoise, dans une perspective historique, Gisa Weszkalnys, mentionne que, de nos jours, il y a un équilibre entre la préservation des bâtiments d’une certaine époque et la reconstruction des bâtiments en aspirant à créer un aspect de nouveauté, de modernité. 14 En discutant avec un des employés de l’Initiative de la Haus der Statistik, nous avons pu comprendre plus en détail la vision de ce projet. Le but premier de cette initiative, comme l’explique Clemens, est de miser sur « la réutilisation durable des espaces vides (publics) et la prévention de sa liquidation »15. Le but est de créer un endroit permettant aux artistes et aux citoyens provenant de classes plus défavorisées de bénéficier d’un endroit accessible.16
Questionnements et perceptions: la réappropriation de la Haus der Statistik
Un des organisateurs principaux de l’Initiative aspire à ce que plus de projets se basent sur les mêmes principes que ceux de l’Initiative de la Haus der Statistik, soit un projet créé et dirigé par les citoyens et les organisations de la société et non par les gouvernements et les organisations internationales.17 Il espère que plus de citoyens s’impliqueront dans le projet dans les années à venir, principalement des jeunes qui pourront mettre de l’avant cette technique de gestion de projets.18
L’édifice de la Haus der Statistik possède une histoire lourdement tachée vu son implication sous le régime de l’ex-RDA. Même après la chute du mur, le bâtiment était utilisé, comme nous l’avons mentionné, pour la consultation des fiches de la Stasi. C’est donc, d’une certaine façon, une manière de se réapproprier cette époque et l’histoire qu’elle a laissée derrière elle que de donner un nouveau souffle à ce bâtiment. 19 Il est intéressant de comprendre que le mouvement qui guide la gestion de cette nouvelle initiative est poussé par un renouveau et aspire à coopérer avec toutes les instances possibles pour mettre sur pied ce projet. Cette vision, comme l’explique Wolfgang Kil, un architecte allemand reconnu, va à l’encontre de l’idéologie omniprésente dans les sociétés capitalistes néolibérales dont l’Allemagne et Berlin font parties.20
En discutant avec Clemens, membres de l’Initiative de la Haus der Statistik, nous avons pu comprendre que leur critique politique n’est pas portée sur l’époque passée de la RDA. Ils critiquent plutôt l’époque actuelle du capitalisme néolibéral. Clemens dit : « Je n’irais pas jusqu’à le (l’époque de la RDA) considérer automatiquement comme un lieu de « sombre histoire »21. Il ajoute alors que ce qu’ils trouvent aberrant que les gouvernements en place soient portés à travailler de pair avec les « promoteurs privés » plutôt que d’aspirer à promouvoir le développement de lieux pour aider la population à risque.22
Haus der Statistik, Berlin, 9 juillet 2019.
Pour lire la suite cliquez ici .
1. Consultez la brochure complète de l’Initiative de la Haus der Statistik https://hausderstatistik.org/wp-content/uploads/201908_Haus-der-Statistik_Volume-1_Model-Project-Initiative-and-Vision.pdf
2. Nate Berg, “The Accidental Planners,” Places Journal, June 2019. Accessed 19 Aug 2019. <https://placesjournal.org/article/the-accidental-planners/>
3. Idem.
4. Idem.
5. Pour de plus amples informations sur la Haus der Statistik elle-même https://hausderstatistik.org/unterstuetzen/das-konzept-zum-download/
6. Idem.
7: Nate Berg, “The Accidental Planners,” Places Journal, June 2019. Accessed 19 Aug 2019. <https://placesjournal.org/article/the-accidental-planners/>
8. – 14. Idem.
15: Clemens, conversation électronique via la page Facebook de Initiative Haus der Statistik, 12 août 2019. Traduction libre de l’anglais.
16: https://hausderstatistik.org/wp-content/uploads/201908_Haus-der-Statistik_Volume-1_Model-Project-Initiative-and-Vision.pdf
17: Nate Berg, “The Accidental Planners,” Places Journal, June 2019. Accessed 19 Aug 2019. <https://placesjournal.org/article/the-accidental-planners/>
18. Idem.
19. Idem.
20. Idem.
21 : Clemens, conversation électronique via la page Facebook de Initiative Haus der Statistik, 13 août 2019. Traduction libre de l’anglais.
22. Idem.
